• Entretien avec Marie Sizun

      Après avoir enseigné, vécu dans divers pays d’Europe, élevé des enfants, Marie Sizun a pris le nom d’un endroit qui lui est cher pour entamer une carrière d’écrivain tout de suite couronnée de succès (La Femme de l’Allemand, Prix des lectrices de Elle 2008).

     

    L’enfance, la famille, le souvenir sont ses thèmes, ou plutôt le travail même du souvenir, la manière dont, déclenché par les objets ou les lieux, il vient réclamer son dû à des personnages qui tentent en vain de s’en défendre. Dans l’admirable Éclats d’enfance (2009) comme dans Un léger déplacement (2012), son écriture élégante descend, par effleurements successifs, jusqu’à l’essentiel.

     

    Tous ses livres sont publiés chez Arléa.

     

    Entretien avec Marie Sizun

     

     

    Comment en êtes-vous venue à écrire ?

    J’ai toujours écrit, même si ce n’étaient que des textes courts. Enfant, dès que j’ai su lire, il  m’a semblé tout à fait naturel d’écrire aussi. Je faisais de mini- livres dont je cousais les pages. Bien sûr, il allait de soi que, plus tard, ce serait mon métier : quoi d’autre ? Les choses en ont, comme souvent, décidé autrement, et je suis devenue professeur de Lettres. Et l’écriture pendant ce temps ? Celle d’un écrivain du dimanche, courtes nouvelles, journal. Tout cela bien sûr dans le secret. Je n’aurais pas eu le temps de faire mieux, entre élèves, enfants, maison. La liberté retrouvée à soixante ans m’a donné des ailes. J’ai écrit deux romans, un chaque année, refusés avec grâce par Gallimard et Grasset. Le troisième a été tout de suite publié par Arléa. C’était Le Père de la petite.  

     

    Comment écrivez-vous ?

    J’écris tous les jours, plus ou moins longtemps. Plusieurs heures quand je suis occupée d’un roman. Dans un cahier pour prendre des notes ou amorcer une page, ensuite sur mon ordinateur, que j’adore, parce que là le texte ressemble tout de suite à celui d’un livre.

     

    Ecrire, est-ce pour vous un travail ?

    Bien sûr, qu’écrire est un travail. Par moments extrêmement agréable, exaltant, même quand telle évocation, imaginaire ou pas, est douloureuse. D’autres fois harassant, décourageant : on n’y arrivera pas, on est trop fatigué. Mais le lendemain, on reprend et tout s’arrange miraculeusement. Et le travail alors est un jeu, une broderie, qui fait d’un texte informe une page lisible, audible.

     

    Y a-t-il des auteurs dont vous vous sentez proche ?

    Des auteurs avec lesquels j’ai un rapport de tendresse ? Le Camus de  L’Etranger et de La Chute, Virginia Woolf, Henry James. Des auteurs que j’admire : Dostoïevski,  Stefan Zweig, Sandor Marai.

     

    Les lieux jouent un grand rôle dans vos romans : sont-ils pour vous un élément déclencheur de l’écriture ?

    Oui, les lieux sont inséparables pour moi de certaines émotions, et j’ai besoin pour faire vivre celles de mes personnages d’un décor précis. Peut-être parce que pour moi tout se traduit en images, par amour de la peinture, mais aussi bien sûr du cinéma. Dans un roman, le décor que j’ai créé, décrit,  me suit longtemps. Au point que, dans ce roman quasi autobiographique qu’est Le Père de la petite, dont j’avais seulement réinventé le décor, c’est à ce décor fictif que je pense quand j’évoque maintenant mon enfance. Il est devenu plus mien que le vrai.

     

    La mère ambivalente, voire effrayante, en tout cas trop présente ; le père absent ; ces figures reviennent souvent dans vos romans. Pensez-vous que  l’écriture soit profondément réécriture d’un « roman familial» ?

      L’écriture comme réécriture d’un roman familial ? Mais d’un roman familial qui ne serait jamais tout à fait le même ; éclaté ; multiple ; fou de virtualités. Le roman familial d’origine, je m’en suis distanciée dès La Femme de l’Allemand en le métamorphosant. Seule la maladie de Fanny, la mère, est empruntée à la réalité.

      La mère apparaît ailleurs bien différente, mais c’est vrai, elle est partout. Le père aussi ; souvent absent, il est très présent dans Un léger déplacement, mais complètement inventé. Il est… ce qu’il aurait pu être. Les émotions de l’enfance sont un tremplin, un terrain d’essai, un apprentissage. Toutes les émotions à venir y sont contenues. Je pense que personne n’échappe à cette imprégnation dans la vie. En littérature je crois que c’est cette lointaine mémoire qui donne la couleur et la musique d’une œuvre.

     

    Vous avez reçu, entre autres prix, celui des lectrices de Elle : pensez-vous qu’il  y ait dans votre écriture quelque chose de spécifiquement féminin ?

     Je ne sais pas ce que peut être une écriture "spécifiquement féminine", ou je ne veux pas le savoir. Un écrivain, comme chacun de nous, a une part masculine et une part féminine , et il se sert de l’une et de l’autre… J’ai reçu le prix des  Lectrices de Elle, mais je ne pense pas que le critère du choix de ces dames ait  été le caractère "féminin" de mon écriture. Il est vrai qu’il est beaucoup  question de femmes dans mes romans parce qu’il se trouve que j’en suis une et que je connais mieux leur situation que celle des hommes. Sans être pour autant ce qu’on appelle "féministe", je revendique pour l’écriture et pour le reste une parfaite égalité entre les hommes et les femmes.

     

    Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

    Ce sur quoi je travaille en ce moment est si personnel, et encore si balbutiant, qu’il m’est encore impossible d’en parler ! 

     

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  • Commentaires

    2
    Mardi 13 Mars 2012 à 20:08

    Oui, l'itinéraire de Marie Sizun est très encourageant et, si on y réfléchit, assez original.

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    1
    Lundi 12 Mars 2012 à 23:37
    Comme c'est encourageant:cette dame qui commence à écrire des romans à 60 ans, ça me fait rêver!
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