• Excursion dans les bas-fonds, Direction artistique, Christophe Mouton (Fayard)

    http-_expatenvrac.comL'auteur est un ancien publicitaire. Ses autres œuvres : Cocaïne, Business model (Julliard, 2014) ; Notre mariage, Faire-part (Julliard, 2013) ; Un garçon sans séduction, Feuille de calcul (Julliard, 2012) ; soit l'histoire d'un dealer, l'histoire d'un mariage et l'histoire d'un ingénieur qui essaie de comprendre pourquoi son ancienne compagne (dire : « son ex »), analyste de marché, l'a quitté. Le sous-titre en italique après chaque titre est un tic qui porte sûrement un nom dans le monde que Christophe Mouton, livre après livre, avec une belle régularité, nous dépeint.

     

    Grandes interrogations

     

    Cette fois-ci, son héros est « directeur artistique » (dire : « D A »). Le roman commence par de longues explications d'où l'on retient que ce personnage est plus ou moins chargé de « créer » des publicités avec l'aide d'un « rédacteur ». Ces gens sont donc des « créatifs ». Il y a beaucoup de longues explications dans Excursion dans les bas-fonds, Direction artistique. Même des schémas. On apprend des choses, c'est certain, dans le domaine de la « communication » ; l'auteur est allé jusqu'à ajouter quelques notes en bas de page. Et il ne rechigne pas non plus devant le commentaire, s'interrogeant, par le biais de son personnage : « On pourrait peut-être rêver un monde où les gens retrouveraient un peu de leur temps de cerveau disponible qui ne serait pas affecté à ressasser les messages qui y ont été placés » ; puis concluant : « Non, c'est impossible, nous resterons un troupeau de moutons de toutes les couleurs ».

     

    Un fameux pitch

     

    C'est qu'il fallait quand même tenir au moins 150 pages, avec une intrigue plutôt mince. Je ne suis pas ennemi du minimalisme, chacun le sait, mais là… Comme tous les jours, Mathieu passe la journée dans son entreprise (dire : « l'agence »). Il y rencontre Élise, laquelle lui produit un sacré effet : « Je me suis fait communiquer, je n'ai pas noté comment c'était entré, mais cela travaille au milieu de mes autres processus cognitifs, me ronge, commence à faire partie de ce que je suis et de ma façon de voir le monde ». Bigre. On s'inquiète. Et même on « imagine le pitch hollywoodien prévisible ». Parviendra-t-il à passer une nuit avec elle (dire : « à la baiser ») ? En tout cas, entre la sortie du boulot et le rendez-vous, voilà toutes ses certitudes pourtant bien ancrées de « bobo », qui plus est, « branché », remises en cause. Comment cela va-t-il finir ? Après une scène de sexe « prévisible », comme annoncé et en tous les sens du terme, on hésite un peu au bord du happy end. Enfin, bien sûr, le cynisme triomphe, puisque « Nous resterons… », etc., voir plus haut.

     

    Dénonciation ?

     

    L'idée ne manquait pas d'astuce : toute la vie, amoureuse aussi et avant tout, vécue et relatée en langage de « communicant » (c'est comme ça qu'il faut dire). Mais ce n'est jamais qu'une idée. Et le problème est le même que pour le surévalué auteur des Particules élémentaires, auquel on songe souvent : des dénonciations aussi fortement marquées au coin de la fascination sont-elles bien des dénonciations ? Oui, je sais, tout est dans cette ambivalence. C'est bien ce que je prétends. Et les personnages comme l'univers décrit restent si radicalement antipathiques qu'on a un peu de mal à partager les états d'âme (est-ce bien comme ça qu'on dit ?). Évidemment, si Christophe Mouton avait choisi d'écrire un essai de sociologie, comme il se retient, d'un bout du livre à l'autre, de le faire, ç'aurait été tout autre chose : pas d'états d'âme, pas de sympathie, pas de pitch, des analyses, certainement bien intéressantes. Mais voilà, il a voulu faire un roman. C'était sans doute à ses yeux… (comment dire ?...) « Un produit plus vendeur », peut-être.

     

    P. A.

     

    Ce texte est paru une première fois le 18 janvier 2016 sur le site du Salon littéraire.

     

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