• Football, Jean-Philippe Toussaint (Les Éditions de Minuit)

    http-_www4.ac-nancy-metz.frLa recette est connue : faire semblant de raconter une histoire tout en parlant réellement d’autre chose, et l’inverse, une intrigue ironique et des à-côtés faussement secondaires échangeant constamment leurs rôles. Nous avons ainsi eu de vrais-faux romans policiers, de faux-vrais romans d’espionnage, de guerre…

     

    La poésie des à-côtés

     

    Ce procédé, mis au point et popularisé par les auteurs des Éditions de Minuit, Jean-Philippe Toussaint, en tout cas ici, le renouvelle. D’abord il ne fait pas semblant de raconter quelque histoire que ce soit. Ensuite il ne parle pas vraiment non plus de ce dont il serait censé (ne pas) parler et qu’annonce le titre. Du football, on n’aura en effet ici que les à-côtés, comme l’attestent les intertitres du premier chapitre : « stades », « saisons », « les maillots », « le trophée », sans compter « enfance », « l’écrit » ou « apotropaïque ». Du coup, même un anti-amateur aussi résolu que moi peut lire ce petit livre et en tirer l’étrange plaisir distillé par sa musique singulière.

     

    Car, ainsi revu et corrigé, le truc de chez Minuit gagne en force et en profondeur. À ne parler ni du football ni d’autre chose, Toussaint nous confronte sans manières à un peu d’écriture pure. D’où le caractère authentiquement inclassable de l’ouvrage, qui n’est ni autobiographie, ni essai, ni poésie, et tient en même temps de tout cela. Ce qui n’a rien d’étonnant venant de quelqu’un qui affirme, à propos d’un séjour au Mans : « Je me suis senti en décalage horaire permanent, ce qui m’arrive de plus en plus souvent, partout dans le monde ».

     

    Dans le Temps…

     

    D’ailleurs, s’il fallait à tout prix trouver un sujet à ce livre, ce serait sans doute celui du temps, que l’auteur de L’Urgence et la Patience (Éditions de Minuit, 2012) travaille mine de rien à saisir et restituer dans son essence, en un geste au fond très proustien. « L’intérêt que l’on porte à un match de football », nous dit-il, « tient essentiellement à un rapport très particulier au temps, un rapport d’adéquation exacte, de simultanéité parfaite entre le match qui se déroule et le passage du temps ». D’où peut-être les rapports unissant ce sport à l’enfance, et l’ambition clairement annoncée de l’entreprise : « essayer de transformer le football, sa matière vulgaire, grossière et périssable, en une forme immuable, liée aux saisons, à la mélancolie… ». Comment mieux le faire qu’en se gardant d’aborder le sujet ?

     

    P. A.

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