Critique littéraire, billets d'humeur, entretiens avec des auteurs...
La maison où Hebel a passé une partie de son enfance, aujourd'hui transformée en musée, à Hausen
Bien connu des lecteurs de ce blog, Pierre Kretz s’est vu remettre, le 10 mai 2024, à Hausen, dans le Bade-Wurtemberg, le prix Johann Peter Hebel.
Ce prix prestigieux et bien doté, attribué depuis 1936 par le ministère de la Science, de la Recherche et des Arts du Land de Bade-Wurtemberg, échoit à des écrivains ayant écrit tout ou partie de leur œuvre dans un dialecte alémanique. Après Albert Schweitzer (1951), Martin Heidegger (1960), Elias Canetti (1980) ou Claude Vigée (1984) parmi tant d’autres, il vient cette année couronner un auteur strasbourgeois écrivant en français et en alsacien, qui est publié, lu, joué et traduit dans une zone géographique s’étendant sur les deux rives du Rhin.
Rappelons que les dialectes alémaniques sont parlés dans une partie de l’Autriche, le sud-ouest de l’Allemagne, la région de Bâle en Suisse, l’Alsace et la région de Phalsbourg, ainsi que dans le Liechtenstein et certaines zones de l’Italie du Nord. Chaque aire géographique a sa/ses branche(s), mais tous les locuteurs se comprennent, et tous les assistants ont pu suivre sans difficulté le discours d’une demi-heure prononcé en alsacien par notre auteur le 10 mai dernier.
Johann Peter Hebel (1760-1826), peu traduit et peu connu en France, est un des premiers à avoir donné à l’alémanique ses lettres de noblesse, avec des poèmes admirés de Goethe, de Jean Paul et des romantiques français. Il passa ensuite à la prose (« La muse m’a quitté ») et au haut-allemand, notamment dans des récits d’almanach. Kafka et Walter Benjamin plaçaient très haut ces courts textes qui mêlent les thèmes et les genres sur un ton familier. Et Heidegger a consacré à Hebel un texte figurant dans Questions III (Gallimard, 1966).
L’attribution de ce prix à Pierre Kretz peut être l’occasion de découvrir ou de redécouvrir un auteur maintes fois présent sur les pages de ce blog pour ses récits et ses romans, voire pour ses essais et son théâtre. Dans l'entretien qu’il m’a accordé il y a quelques années, il évoque la difficulté et l’intérêt d’avoir grandi entre deux langues et d’ancrer son œuvre dans une région dont le destin s’est joué entre deux cultures. Si l’histoire de cette région est l’arrière-plan constant de l’œuvre, celle-ci échappe à tout régionalisme, par sa réception transfrontalière, ses thèmes (la mémoire, le rapport de l’individu à l’Histoire, la langue…) et surtout sa tonalité singulière, où l’humour et le détachement apparent sont indissociables d’un fond de gravité permanente.
Pour plus de détails, voir aussi le site de l’auteur : https://pierre-kretz.eu
Jacques Fortier, dont j’ai déjà évoqué les talents en matière de roman policier malicieux et érudit, anime, pour le compte de l’association Littér’Al, une émission de radio intitulée À voix haute.
Diffusée sur RCF Alsace, ladite émission, mensuelle, est centrée à chaque fois sur un écrivain membre de l’association et sur un de ses livres. Trois extraits de trois minutes chacun, « formant récit ou morceau de récit », sont lus par l’auteur lui-même ; l’animateur présente l’ensemble.
L’À voix haute du jeudi 30 mai dernier a été consacré à mon roman Faust à la plage (Vendémiaire 2022, voir ici). Une rencontre autour de cet ouvrage, en février 2023, avait déjà été animée par Jacques Fortier.
Pour les lecteurs de ce blog qui voudraient découvrir ou redécouvrir un peu de mon « récit satanique à l’humour traversé de mélancolie » (4e de couverture), le podcast est disponible ici, sous le titre de Le Diable de Pierre Ahnne :
https://www.rcf.fr/culture/a-voix-haute-rcf-alsace
Vous pourrez entendre, lus par mes soins, les trois extraits que j'ai sélectionnés, reliés par la voix de Jacques Fortier, lequel a aussi choisi le bel accompagnement musical, particulièrement adapté.