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Critique littéraire, billets d'humeur, entretiens avec des auteurs...

Poètes d’ici et d’ailleurs

fr.m.wikipedia.orgFata Morgana, en collaboration avec le Musée Paul Valéry, vient de republier sous forme de mince volume Inspirations méditerranéennes, une conférence prononcée par l’auteur du Cimetière marin en 1933 et reprise en 1936 dans Variété III. « Ce que je vous dirai », annonce le poète, « ne concernera que les rapports de ma vie ou de ma sensibilité, dans sa période de formation, avec cette mer Méditerranée qui n’a cessé, depuis mon enfance, de m’être présente soit aux yeux, soit à l’esprit ». Suivent quelques très belles pages évoquant une enfance et une adolescence passées dans un port bien connu. Les ports : ces lieux où l’œil, passant du spectacle de la mer à celui de l’activité des hommes, « embrasse à la fois l’humain et l’inhumain »… Comment ne pas y rêver d’être « aspirant de marine » ou, à défaut, « poète ou peintre » ?

 

Suivant un plan d’une rigueur et d’une simplicité platoniciennes, Valéry passe de la mer, de ses couleurs et de ses parfums, à ce que l’esprit y découvre, à savoir « tous les attributs de la connaissance : clarté, profondeur, vastitude, mesure » ; puis, s’élevant de l’individu au tout, il en vient au « rôle (…) que la Méditerranée a rempli (…) dans  la constitution de l’esprit européen, ou de l’Europe historique, en tant que l’Europe et son esprit ont modifié le monde humain dans son entier ». Une certaine vision des choses et du style, qui met la Méditerranée au cœur de l’Occident, et l’Occident au centre du monde.

 

Que celui-ci ait cependant plus d’un centre, c’est ce que nous rappelle un livre consacré à d’autres poètes https://www.pinterest.fret publié chez Philippe Rey : Le flot de la poésie continuera de couler. Ne nous arrêtons pas à ce titre pompeux. L’ouvrage, signé Le Clézio, est né de l’intérêt que celui-ci porte à l’Extrême-Orient, et de son amitié avec le poète et traducteur (du français) chinois Dong Qiang. Il est consacré aux poètes de la dynastie Tang (618-907). On y trouve des textes subtilement commentés, des éléments biographiques, des calligraphies de Dong Qiang, de nombreuses reproductions de peintures. Divisé en chapitres thématiques (Le vin, La guerre, L’amour, La nature…) suivis d’un lexique, il pourrait faire un beau cadeau de Noël pour temps troublés.

 

D’autant qu’on y lit des choses comme :

 

« Les oiseaux s’effacent en s’envolant vers le haut

Un nuage solitaire s’éloigne dans une grande nonchalance

Seuls, nous restons face à face, le Mont Jingting et moi

Sans nous lasser jamais l’un de l’autre »

 

(Li Bai, 701-762)

 

… ou encore :

 

« Les insectes d’automne sous les herbes, le givre sur les feuilles

La balustrade vermillon, zigzagant, défait la lumière sur le lac

Le lièvre frissonne, le crapaud a froid, la lune est si pâle

Une telle nuit, même Chang’e (1) là-haut doit avoir le cœur brisé ! »

 

(Li Shangyin, 813-858)

 

P. A.

 

(1) Déesse de la lune. Elle y réside en compagnie d’un lapin et d’un crapaud.

 

Illustrations :

Albert Marquet, Voiliers à Sète (1924)

Shen Zhou (1427-1509), Carnet de paysages

 

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J
Dommage qu'un poète comme Eminescu ne soit jamais cité dans ces micro-anthologies très instructives qui sont des fenêtres vers les poètes "d'ailleurs"... Il y a pourtant, enfin, un recueil de ses plus baux poèmes parue aux éditions NonLieu en 2015.<br /> En voici un extrait :<br /> O, mamă, dulce mamă, din negură de vremi <br /> Pe freamătul de frunze la tine tu mă chemi ; <br /> Deasupra criptei negre a sfântului mormânt <br /> Se scutură salcâmii de toamnă şi de vânt, <br /> Se bat încet din ramuri, îngână glasul tău… <br />  <br /> Mereu se vor tot bate, tu vei dormi mereu. <br />  <br /> Ma mère, ma douce mère, des abîmes du temps <br /> Monte à moi ton appel dans le doux bruissement <br /> Des feuilles qui frissonnent au-dessus de ta tombe <br /> Et glissent des grands arbres enveloppés d’automne <br /> Dont les branches agitées me rappellent ta voix… <br />  <br /> Elles s’agitent à jamais et tu dors à jamais. 
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