• Douglas Coupland, Joueur_1, traduit de l’anglais par Rachel Martinez, Au Diable Vauvert

    x6n7jm7cDouglas Coupland est « l’auteur d’un roman culte », dit le quatrième de couverture. L’usage même d’une telle formule a de quoi rendre un peu méfiant.

     

    Pourtant on ne peut pas dire que le roman de Douglas Coupland, Joueur_1, soit franchement mauvais. Le même quatrième de couv. parle aussi de « l’humour habituel » à l’auteur, et c’est vrai qu’on sourit souvent en le lisant. Quand un personnage compare par exemple « la personnalité » à « une salade de pommes de terre », c’est drôle. Le problème commence quand on en vient à se demander si la comparaison ne s’applique pas également au livre lui-même.

     

    Car Coupland, nous dit-on encore, « s’interroge sur l’espèce humaine, la société et l’au-delà ». Aïe.

     

    Un groupe de personnages se trouve coincé dans un bar d’aéroport par une catastrophe économico-écologique. Il y a là un pasteur dévoyé, une mère divorcée en quête d’aventures, une jeune fille qui élève des souris blanches et souffre d’une malformation du cerveau l’empêchant d’éprouver des émotions… Bref, l’échantillonnage classique correspondant à ce qu’un auteur nord-américain considère comme un bon mélange de réalisme social, de poésie déglinguée et d’allégorie. Que font ces pauvres gens coupés du monde par l’apocalyspse en cours ? Ils bavardent. Le roman de Coupland est très bavard. Un habile dispositif nous fait passer au fil des chapitres du point de vue de l’un à celui de l’autre, du coup quand ils ne bavardent pas entre eux ils bavardent avec eux-mêmes : « En refermant son sac Ziploc rempli de produits de toilette (…) Karen s’est demandé si elle était au-delà de l’amour ». C’est là qu’est le problème avec le roman de Coupland : les personnages choisis, pour se bricoler une pensée à la hauteur des circonstances, puisent dans leur environnement culturel, séries télévisées, sites Internet, magazines, sermons des prédicateurs et des gourous. Une telle salade de pommes de terre même dégustée au second degré donne vite des aigreurs d’estomac. La psycho-métaphysique de Prisunic c’est amusant pendant vingt pages, mais deux cent quatre-vingts pages c’est un peu long.

     

    On se demande pourquoi la traductrice a ajouté au titre anglais, « Player one », cet underscore qui le rend imprononçable. Il fallait sans doute annoncer la modernité du roman. C’est probablement aussi par fidélité à l’esprit du texte qu’elle rend les pensées des personnages dans une langue conforme à leurs origines socio-culturelles. Ou alors croirait-elle vraiment qu’on dit « observer le compteur tourner » et « possiblement » ? Non, là encore il faut la féliciter, d’avoir su transposer sur le plan linguistique l’incertitude sur laquelle tout le livre se fonde : on doit sans doute considérer les clichés millénaristes que l’auteur y déverse à pleines pages comme marqués au coin de l’ironie ; mais ça n’est pas sûr.

     

    P. A.

     

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