• Journaux en mai

    www.auction.frLes Moments littéraires, hors-série Jocelyne François

     

    La Revue de l’écrit intime, bien connue des lecteurs de ce blog, consacre un hors-série au quatrième tome du journal de Jocelyne François. Née en 1933, la romancière (Joue-nous « España », Mercure de France, 1980, prix Femina), poétesse et essayiste (René Char : vie et mort d’une amitié, La Différence, 2010) tient depuis 1961 un journal dont les trois premiers tomes sont parus au Mercure de France en 1990, 2001 et 2009. Voici, sous le titre Car vous ne savez ni le jour ni l’heure, les années 2008-2018. L’édition, établie et annotée par Gilbert Moreau, est accompagnée d’une préface sagace et empathique de René de Ceccatty. « Elle dit ses élans », note-t-il à propos de celle qui, « visant le cœur de la sincérité », parle ici de ses amitiés, de ses enthousiasmes, des petits détails de sa vie quotidienne, avec un dépouillement et un souci d’authenticité qui rendent tout intense.

     

    Et aussi, sans fard, de la vieillesse, de la mort. Celle, en particulier, de l’artiste Marie-Claire Pichaud, sa compagne rencontrée dans l’adolescence : « Claire me manque viscéralement, mes souvenirs d’elle, de la rue du Manège, déferlent avec une précision inouïe. Je les laisse venir, m’envahir. C’est le socle de ma vraie vie avec elle. La gravité solaire de l’amour ».

     

    Le Robinson suisse, Johann David Wyss, traduit de l’allemand par Isabelle de Montolieuphoto Pierre Ahnne (Mercure de France, collection « Le Temps retrouvé »)

     

    Ce prétendu Journal d’un père de famille naufragé avec ses enfants, rédigé entre 1794 et 1798 par un pasteur bernois soucieux de distraire et d’éduquer sa progéniture, fut publié par ses fils en 1812, près d’un siècle après le Robinson Crusoé de Daniel Defoe (1719). Il connut un immense succès, et fut traduit aussitôt en français par Isabelle de Montolieu. Celle-ci, comme tous les traducteurs qui lui succéderont, invente une fin au récit, resté inachevé, des aventures du pasteur Arnold, de sa femme et de ses quatre fils, jetés par les hasards de la mer sur une île déserte, très loin à l’ouest de l’Australie.

     

    Philippe Artières, dans son éclairante préface, souligne que, pour les Robinson du XVIIIe ou du XIXe siècle, il n’est pas question de fuir la société pour se réfugier dans quelque paradis perdu, mais, au contraire, en une nouvelle Genèse, de reconstituer autant que possible la civilisation européenne et chrétienne. Donc, pas d’utopie révolutionnaire. Chacun à sa place : « Le père pensait aux moyens d’aborder ; la mère de famille, fidèle à son rôle, songea à emporter quelques provisions de bouche indispensables ». Et la nature est à la disposition des hommes, prête à être exploitée sans limites, au point que les aventures cynégétiques se succèdent en une sorte de long et joyeux massacre (« L’animal était vaincu, et les enfants comme d’ordinaire émerveillés de l’habileté paternelle »). Aux plaisirs du second degré se joignent cependant ceux que procurent la vivacité du récit et la fascination jamais démentie pour le « bricolage », dont Tournier disait que Robinson et ses successeurs étaient bien les « saint[s] patron[s] ».

     

    P. A.

     

    Illustrations :

    (Marie-)Claire Pichaud, Sans titre, acrylique sur toile

    Albert Uriet, illustration pour une édition du Robinson suisse

     

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